Isabelle Aubert-Baudron: Commémoration des deux guerres mondiales : De la sémantique générale comme base de résolution des problèmes humains

Article en pdf dans le site  La sémantique générale pour les nuls à  https://www.semantiquegenerale.net/s&s19mathematics.pdf (28 janvier2023)

Nous commémorons actuellement les anniversaires des deux guerres mondiales.  Jamais autant de documents d’archives, de débats, d’articles, de reportages ne leur avaient été consacrés dans les média. Toutefois un aspect non négligeable est absent de ces documents: ce sont les mécanismes de pensée qui ont engendré ces deux guerres.

Dans le contexte de la première guerre mondiale, Alfred Korzybski, un ingénieur polonais, attaché au Service de Renseignements du Quartier général de la Seconde Armée Russe, fut envoyé comme conseiller militaire au Canada et aux États-Unis, après que ses blessures de guerre l’avaient rendu incapable de combattre sur le terrain. Il réalisa que les mécanismes de pensée qui avaient engendré cette guerre reposaient sur les postulats de la logique d’Aristote, générateurs de conflits, et sur une fausse identification de l’espèce humaine à l’espèce animale, selon la définition aristotélicienne qui concevait l’être humain comme  « un animal composé d’un corps et d’une âme ». Considérant que cette logique, qui reposait sur l’antique vision de l’homme et du monde et avait façonné nos langages, doctrines et institutions, était dépassée dans le contexte scientifique du XX° siècle, il entreprit d’en édifier une nouvelle, en partant des nouvelles recherches d’alors en mathématiques sur la géométrie non-euclidienne, en physique quantique sur les travaux d’Einstein. Sur ces bases il énonça de nouveaux postulats permettant d’échapper aux pièges de l’aristotélisme, à partir desquels il formula la « sémantique générale » ou « logique non-aristotélicienne ».

Il commença à enseigner celle-ci au Canada et aux États-Unis dans le cadre de l’armée, puis devint secrétaire de la Commission militaire franco-polonaise. Après la deuxième guerre mondiale, il devint secrétaire de la Commission Polonaise à la Société des Nations, puis fonda l’Institut de Sémantique Générale en 1938. La SDN fut remplacée en 1945 par l’ONU, dans le cadre de laquelle l’Institut de Sémantique Générale est toujours représenté en tant qu’organisation non-gouvernementale.

Au cours du XX° siècle, plusieurs auteurs, évoluant dans des sphères d’activité différentes, s’inspirèrent de ses travaux : le psychologue Gregory Bateson mit sur pied les bases de la pensée systémique, le philosophe Gaston Bachelard écrivit « La Philosophie du Non », le biologiste Henri Laborit étudia la structure des organismes vivants en situation d’agression (agressologie), élabora sa théorie de l’inhibition de l’action , et inventa, entre autres, dans le cadre de son laboratoire d’Eutonologie à l’hôpital Boucicaut, un inhibiteur de l’inhibition, la  minaprine (Agr1240), commercialisée sous le nom de Cantor (années 80 – début des années 90). En littérature, l’auteur de science-fiction Alfred Van Vogt écrivit la saga du non-A (Le Monde du Non-A, les Joueurs du Non-A, La Fin du Non-A) qui popularisa la sémantique générale, et l’écrivain américain William Burroughs l’appliqua en littérature, entre autres à travers son étude des systèmes de contrôle, dont s’inspirèrent Michel Foucault et Gilles Deleuze, et en expérimentant de nouvelles fonctions non-aristotéliciennes de l’écriture.

Or, 100 ans après le début de la première guerre mondiale, nous sommes toujours prisonniers des mêmes mécanismes de pensée et de leurs effets destructeurs, et reproduisons les mêmes comportements. Nos économistes, politiciens et autres « experts » et communicants n’ont entamé aucune révision de leurs doctrines et continuent d’appréhender  le monde en 2014 avec des mécanismes de pensée antiques, pour notre malheur et le leur.

L’extrait ci-dessous de « Science and Sanity » (1933), l’œuvre principale de Korzyski, est plein d’enseignements concernant nos problématiques économico-politiques actuelles, les relations entre États-Unis et Russie, les événements qui se déroulent en Ukraine, etc.. Il nous ouvre des possibilités de résolution de ces problématiques qui existent potentiellement, mais n’ont jamais été utilisées jusqu’ici. Or ce n’est qu’en intégrant et en appliquant aux niveaux humains les avancées de notre évolution scientifique et en apprenant à utiliser notre cerveau correctement que nous pourrons les résoudre, mettre un terme à la logique du conflit qui nous maintient, en toute inconscience, depuis plus de 2000 ans, dans un état d’évolution fixé dans nos affaires humaines, et devenir des humains adaptés à ce niveau d’évolution scientifique en 2014.

Isabelle Aubert-Baudron

Extrait de CHAPTER XIX:  “MATHEMATICS AS A LANGUAGE OF A STRUCTURE SIMILAR TO THE STRUCTURE OF THE HUMAN NERVOUS SYSTEM”  (p. 269-274)

Chapitre XIX: LES MATHÉMATIQUES, UN LANGAGE DONT LA STRUCTURE EST SIMILAIRE À CELLE DU SYSTÈME NERVEUX HUMAIN (extrait). Traduction I. Aubert-Baudron.

“La structure de nos vieux langages a façonné nos réactions sémantiques et engendré nos doctrines, croyances. , qui ont forgé nos institutions, coutumes, habitudes et ont, en fin de compte, conduit fatalement à des catastrophes comme la guerre mondiale. Nous avons appris il y a longtemps, à travers la répétition de tristes expériences, que les prédictions concernant les affaires humaines ne sont pas vérifiées empiriquement. Nos doctrines, institutions, et autres disciplines sont incapables de gérer de quelque manière que ce soit la situation sémantique, d’où la prédominance de la dépression et du pessimisme.

Nous entendons partout des récriminations concernant la stupidité ou la malhonnêteté de nos dirigeants, comme définis antérieurement (1), sans réaliser que, bien que nos dirigeants soient de l’aveu général très ignorants, et souvent malhonnêtes, toutefois les mieux informés, les plus doués, et les plus intègres d’entre eux ne peuvent prédire ni prévoir les événements, tant que leurs arguments sont énoncés dans un langage d’une structure non similaire à celle du monde et de notre système nerveux. Dans ces conditions, se répandre en imprécations, même en réponse à des provocations, ne peut être ni constructif, ni d’aucun secours. Les arguments présentés dans des langages d’une vieille structure ont conduit fatalement à des systèmes qui sont structurellement “non-naturels”, et en conséquence, sont voués à disparaître, et qui  imposent un stress inutile et artificiel à notre système nerveux. Les conditions de vie que nous nous imposons deviennent de plus en plus intenables, engendrant une augmentation des maladies mentales, de la prostitution, de la criminalité, de la brutalité, de la violence, des suicides, et de signes similaires d’inadaptation. On ne devrait jamais oublier que l’endurance humaine a des limites. Le “savoir” humain façonne le monde humain, il influe sur les conditions de l’environnement et les autres aspects de celui-ci – un facteur qui n’existe pas dans une telle mesure dans le monde animal.

Nous parlons souvent de l’influence de l’hérédité, mais nous analysons beaucoup moins l’influence que l’environnement, et particulièrement l’environnement verbal, a sur nous.  Non seulement nos doctrines sont toutes verbales, mais la structure des langages anciens reflète la métaphysique structurelle des générations passées, qui affectent les réactions sémantiques (2). Le cercle vicieux est bouclé. La mythologie primitive a façonné la structure du langage. A travers celle-ci, nous avons délibéré de nos institutions, de nos systèmes, nous les avons argumentés, et par ce biais les  suppositions primitives structurelles ou mythologies les ont une fois de plus influencées. On ne doit pas perdre de vue que les effets réciproques, les interactions et les échanges sur le plan affectif sont présents à jamais dans la vie humaine, sauf, peut-être, dans des maladies mentales sévères (pas dans tous les pays) et comparativement rares. Nous pouvons cesser de parler, nous pouvons cesser de lire ou d’écrire, et cesser tout échange et toute interaction intellectuelle entre individus, mais nous ne pouvons pas empêcher certaines réactions sémantiques ni les supprimer entièrement.

Un réajustement linguistique structurel  aura pour résultat, il est vrai, d’invalider la plupart de nos vieilles doctrines, et conduira ainsi à une révision scientifique fondamentale de nouvelles doctrines et de nouveaux systèmes, en modifiant de façon constructive nos réactions sémantiques. Ainsi par exemple il est incorrect d’opposer  les termes « capitalisme » et « socialisme », car ces termes désignent des aspects différents du problème humain, qui ne sont pas directement comparables. Si nous voulons utiliser un terme mettant en valeur le caractère symbolique des relations humaines (3), nous pouvons utiliser le terme « capitalisme » et ensuite nous pouvons comparer directement des formes de capitalisme individuel, de groupe, national, international,. Si nous voulons insister sur les aspects psycho-logiques, nous pouvons parler d’individualisme opposé au socialisme,. Évidemment, dans la vie les  effets interagissent les uns sur les autres, mais les implications verbales demeurent, empêchant toute clarté et induisant dans toute discussion des réactions sémantiques inadaptées.

En termes vernaculaires, il existe actuellement  une « lutte » et une « compétition » entre deux formes d’« industrialisation » entièrement différentes, et deux formes de « commercialisation» différentes, basées en fin de compte sur deux formes différentes de « capitalisme ». L’un est le « capitalisme individuel », qui se transforme rapidement en « capitalisme de groupe », en théorie  généralement poussé à l’extrême aux États-Unis d’Amérique et dans une moindre mesure dans le reste du monde occidental, et un « capitalisme social », prônée dans l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Ces deux tendances extrêmes, également liées à des perturbations  sémantiques, sont dues à une « déclaration d’indépendance » verbale (4) de deux pays qui étaient, jusqu’à  une époque récente, très isolés.  Les États-Unis d’Amérique ont proclamé la doctrine selon laquelle l’homme est « libre et indépendant », alors qu’en fait il n’est pas libre, mais fondamentalement interdépendant. Les Soviets ont accepté sans esprit critique et sans l’avoir révisée une  doctrine désuète basée sur la « dictature du prolétariat ». En  pratique, cela signifierait la dictature des masses non éclairées, qui, si elles étaient en réalité abandonnées à leurs croyances et privées du travail intellectuel des scientifiques et des dirigeants,  rétrograderaient à une forme primitive de vie animale. Manifestement, ces deux croyances extrêmes violent chaque caractéristique spécifiquement humaine. Nous sommes interdépendants en tant que  time-binders (5), et nous sommes interdépendants parce que nous possédons des centres nerveux supérieurs, bien plus complexes que ceux des animaux. Sans ces centres nerveux supérieurs, nous ne pourrions absolument pas être des humains ; les deux pays semblent négliger ce fait, car tous deux utilisent le travail intellectuel, et pourtant les travailleurs intellectuels n’y sont pas appréciés à leur juste valeur. La foule ignorante, avec ses réactions sémantiques animalières cultivées historiquement et psycho-logiquement, retarde le progrès et les relations de bonne intelligence entre humains. Les dirigeants ne dirigent pas, mais la plupart d’entre eux sous-estiment la psycho-logie des foules, surtout préoccupées par leur porte-monnaie ou leur estomac.

Dans les deux pays, les réactions sémantiques sont telles que le travail intellectuel, bien qu’exploité commercialement, n’est pas considéré à sa juste valeur et  qu’il est toujours persécuté ici et là. Par exemple, aux États-Unis, nous assistons à des procès et des résolutions contre le travail de Darwin, en dépit du fait que sans une théorie donnée de l’évolution, la plupart des sciences naturelles, y compris la médecine, seraient impossibles. En Russie, nous trouvons des décrets contre la recherche fondamentale, sans laquelle la science moderne est impossible. Les deux pays semblent oublier que tout progrès « matériel » chez les humains est dû uniquement au travail intellectuel de quelques travailleurs sous-payés et surmenés, qui utilisent correctement leurs centres nerveux supérieurs. Quand la science se saisira des problèmes de réactions sémantiques et de santé, nos relations humaines et notre bonheur  individuel deviendront également des sujets de recherches scientifiques. Si des chercheurs internationaux et interdépendants produisent des découvertes et des inventions, chacun, même au plus bas niveau de développement, peut utiliser leurs réalisations ou en abuser, quel que soit le « projet » ou le « non-projet » adopté. Les deux pays semblent ne pas comprendre actuellement qu’un grand développement des moyens mécaniques et une application des réalisations scientifiques tournée  exclusivement vers le confort animal ne parviennent pas à rendre les gens plus heureux, ni à élever le niveau culturel, et qu’ils font probablement tout l’inverse. Personnellement je ne doute pas qu’ils le comprendront un  jour ; mais si les dirigeants des deux pays étaient assez éclairés et avaient pu le prévoir assez tôt, une compréhension plus précoce de ce simple fait sémantique aurait, en attendant, évité à un grand nombre de gens une grande somme de souffrance,  de confusion et d’autres difficultés sémantiques,.

Le futur témoignera d’une lutte entre le capitalisme individuel et de groupe, comme cela se produit aux États-Unis d’Amérique, et entre le capitalisme collectif ou social, selon l’exemple des Républiques Soviétiques. Il n’y a pas besoin d’être prophète pour prévoir que certaines tendances de l’histoire sont inéluctables en raison de la structure du système nerveux humain. Tout comme les trusts ou les groupes ont remplacé le capitalisme en théorie « individuel » aux Etats-Unis d’Amérique, le capitalisme d’Etat remplacera les trusts, pour être remplacé à son tour par un capitalisme international (6).

Nous ne sommes pas choqués par le caractère international de la science. Nous ne sommes pas « patriotes à 100 pour cent » dès qu’il s’agit d’utiliser dans la vie de tous les jours des découvertes et des inventions provenant d’autres nations. La science est un produit sémantique d’une caractéristique symbolique humaine générale ; ainsi, naturellement, elle doit être générale et, partant de là, « internationale ». Mais le « capitalisme » est aussi un produit sémantique du symbolisme unique et général ; il est également un produit unique du système nerveux humain, dépendant des mathématiques, et destiné, en tant que tel, de par son caractère intrinsèque, à s’internationaliser. Il n’y a aucune raison pour que nos réactions sémantiques doivent être perturbées dans un cas plus que dans l’autre. Le problème ultime n’est pas d’ « abolir » ou non « le capitalisme », ce qui ne se produira jamais dans une classe de vie symbolique, mais de transférer le contrôle des dirigeants privés socialement irresponsables, non contrôlés, et pour la plupart ignorants, vers des serviteurs publics plus responsables,  formés professionnellement, et contrôlés socialement, et non à des patrons. Si un pays ne peut former des agents publics et des dirigeants honnêtes, intelligents, et dotés d’une formation scientifique, c’est, bien entendu, tout à fait désastreux pour ses citoyens ; mais cela n’est pas à généraliser, parce que c’est exceptionnel. Ainsi, dans les Républiques Soviétiques, le trafic d’influence est pratiquement absent au sens où il existe aux États-Unis ; mais la mentalité des hommes publics y est pratiquement paralysée du fait que le travail intellectuel est sous-évalué. Je me demande à quel point on réalise, dans l’un ou l’autre pays, que n’importe quel « travailleur manuel », aussi humble soit-il, est embauché exclusivement pour son cerveau humain, ses réactions sémantiques, et non essentiellement pour ses mains !

Le seul problème auquel le reste de l’humanité doit se confronter est de savoir comment cette lutte sera gérée et combien de temps elle durera, le résultat étant inéluctable, comme le démontre l’élimination impitoyable du capitalisme individuel par le capitalisme de groupe (trusts) aux États-Unis. Dans les Républiques Soviétiques, ils sont simplement allés plus loin, mais dans une direction similaire. Les luttes impliquent des souffrances ; et nous devrions nous réconcilier avec ce fait. Si nous voulons provoquer le moins de souffrances possibles, nous devrions en finir avec les méthodes animalières basées sur la compétition. Des méthodes humaines de résolution des problèmes dépendent d’ordres d’abstractions supérieurs, de recherches scientifiques sur la structure et le langage, d’une révision de nos doctrines. , visant à favoriser une adaptation pacifique aux faits de la vie, qui sont des réalités, que cela nous plaise ou non. Si nous voulons obtenir le plus de souffrances possibles, continuons dans la voie du tâtonnement stupide, aveugle, animalier et dépourvu de scientificité, comme nous le faisons actuellement.

Mon but n’est pas de prophétiser, mais d’analyser différentes questions sémantiques structurelles et linguistiques qui sous-tendent toutes les activités humaines, et de produire ainsi un matériau pouvant aider l’humanité à choisir consciemment sa destinée. Ce qu’ils feront ne me concerne pas directement, mais il semble que les deux pays, qui ont tant en commun, et qui doivent nécessairement jouer un rôle important dans le futur de l’humanité, en raison du nombre de leurs habitants, de leur superficies, et de leurs ressources naturelles, devront faire plus attention aux soi-disant questions « intellectuelles, ou, plus simplement, ne pas négliger les différences entre les réactions infantiles et adultes. Sans quoi, il en découlera des résultats culturels gravissimes et désastreux pour nous tous.

Les problèmes du monde en 1933 sont graves et se posent dans l’immédiat, portant en eux la confusion, l’amertume, le désespoir, et d’autres formes de troubles sémantiques. Sans des moyens – et dans ce cas, des moyens scientifiques et physiologiques – pour réguler nos réactions sémantiques, nous ne serons pas en mesure de résoudre nos problèmes assez tôt pour éviter des désastres. La similarité de structure entre les mathématiques et notre système nerveux, une fois mise en lumière et appliquée, nous donne un moyen unique de réguler les réactions sémantiques, sans lequel il est pratiquement impossible d’analyser de manière dépassionnée et avec sagesse les problèmes les plus cruciaux d’une importance immédiate.

La présente recherche démontre que les vieux langages, dont la structure n’est pas similaire à celle du monde et de notre système nerveux, ont automatiquement structuré nos doctrines, nos croyances et nos habitudes, nos réactions sémantiques, ainsi que ces institutions faites par l’homme qui reposent sur des controverses verbales. En outre, celles-ci façonnent à leur tour les réactions sémantiques et, tant qu’elles se perpétuent, elles contrôlent nos destinées.

Quatre questions importantes pourraient être détaillées, mais, faute  de place,  je me contente d’en faire un résumé révélateur :

  1. Dans le système aristotélicien, tous nos anciens sous-systèmes existants, avec toutes leurs qualités comme leurs défauts, sont le produit d’une nécessité sémantique aristotélicienne, psycho-logique et structurelle.
  2. Tout nouveau système moins défaillant se heurte à un handicap considérable, à savoir que de tels système manquent de nouvelles bases sémantiques constructives à valeurs infinies, et qu’ils se perpétuent sans alternative possible à travers des arguments à deux valeurs formulés dans un langage d’une vieille structure élémentaliste (7) ; pourtant ils aspirent « émotionnellement » à quelque chose de nouveau et de meilleur, alors que les deux sont inconciliables.
  3. Un discours basé sur l’ancienne orientation élémentaliste et à deux valeurs, indépendamment de sa véracité fondamentale et de ses bénéfices éventuels, peut être réfuté verbalement sur des base verbales s’il repose sur l’ancienne structure du langage. Quand nos décisions reposent sur des considérations psycho-logiques, elles ne sont jamais bien fondées : elles ne peuvent jamais susciter le respect qu’inspire la démarche scientifique, ni parvenir à la fiabilité de celle-ci. C’est pourquoi nous tâtonnons – la seule méthode possible consistant dans ces conditions à reproduire les procédés empiriques animaliers, qui consistent à manipuler les foules avec des diatribes enflammées dans lesquelles la raison n’a pas sa place, et qui demeurent, à travers la vieille structure verbale, prisonniers des conséquences antiques de postulats applicables aux animaux, mais fondamentalement inadaptés aux humains.
  4. Dans le cadre du vieux système dualiste aristotélicien, élémentaliste, il est théoriquement impossible de parvenir à un accord ; c’est pourquoi une rupture radicale avec l’ancien système nécessite principalement un système non-élémentaliste (8), basé sur une infinité de valeurs, sur des postulats de base négatifs, permettant d’élaborer une théorie de l’entente universelle, qui repose sur une révision structurelle de nos langages, engendrant de nouvelles réactions sémantiques non perturbées, évitant de calquer nos réactions nerveuses sur celles des animaux. »

__________

Notes:

1. Science and Sanity: PREFACE TO THE FIRST EDITION 1933 :

« Nos dirigeants: politiciens, “diplomates”, banquiers, prêtre de toutes sortes, économistes, hommes de loi, etc., et la majorité des enseignants demeurent actuellement largement ou totalement ignorants de la science moderne, des méthodes scientifiques, et des questions structurelles, linguistiques et sémantiques en 1933, et manquent également d’un bagage historique et anthropologique essentiel, sans lequel une orientation saine est impossible. Cette ignorance est souvent délibérée, car ils refusent, pour la plupart, sur la base d’excuses variées, de lire les travaux modernes qui traitent de tels problèmes. En découle un conflit, créé et entretenu, entre les avancées de la science qui affectent les conditions de vie actuelles, et les orientations de nos dirigeants, qui sont souvent dépassées depuis des siècles, ou un ou deux millénaires. Le monde dans les conditions actuelles est en proie au chaos ; sur le plan psycho-logique il en découle un état d’impuissance – de désespoir, engendrant souvent un sentiment d’insécurité, d’amertume, etc., et nous avons été témoins récemment de déchainements psychologiques de masse, similaires à ceux du haut moyen âge. Peu d’entre nous réalisent actuellement que, tant qu’une telle ignorance de nos dirigeants prévaut, aucune solution à nos problèmes humains n’est possible ». Extrait de Alfred KORZYBSKI, Une Carte n’est pas le Territoire, éditions de l’Éclat, http://www.lyber-eclat.net/lyber/korzybski/preface.html (N.d.T.)

2. Réaction sémantique : réaction aux mots, à la signification d’un terme que provoque son emploi. Elle affecte l’organisme au niveau cellulaire, engendrant des répercussions sur l’ensemble de l’organisme psycho-somatique pouvant entraîner certaines maladies. (N.d.T.)

3. Voir le chapitre VI de Science and Sanity  : Du symbolisme http://semantiquegenerale.free.fr/onsymbolism.pdf . (N.d.T.)

4. Voir le reportage Où va l’Ukraine ?, diffusé sur Arte les 3 et 110 juin 2014 (N.d.T.)

5. Time-binders : reliés à travers l’espace-temps : grâce au langage humain et à l’écriture qui relient les humains séparés par la distance spatio-temporelle, les sociétés humaines élaborent des cultures et des civilisations qui évoluent. Chaque génération enrichit et refaçonne un acquis qu’elle transmet à la génération suivante, qui va le modifier et l’accroître à son tour. (N.d.T.).

6. Ce capitalisme international correspond à la forme qu’il a acquise de nos jours, désignée par le terme “mondialisation”. (N.d.T.)

7. Élémentaliste : attitude qui consiste à séparer verbalement et à concevoir comme isolés  des facteurs ou éléments qui sont liés structurellement. Ex. :  « le corps » et « l’esprit », « l’espace » et « le temps », etc.

  • ce ne sont pas des réalités isolées,
  • ce ne sont pas des éléments que l’on peut séparer de l’ensemble formé par le jeu des relations,
  • la désignation qui les isole artificiellement ne recouvre qu’une fiction. (N.d.T.)

8. Non-élémentaliste : attitude non-élémentaliste : effort pour ne pas isoler les uns des autres des facteurs ou des éléments reliés les uns aux autres structurellement : l’observateur aborde ce qu’il observe avec la totalité de son organisme psychosomatique. Les caractéristiques de cet organisme sont liées aux influences reçues du milieu. (N.d.T.)

© Traduction (provisoire) : Isabelle AUBERT-BAUDRON

Pour en savoir plus sur la logique d’Aristote, voir Les différentes étapes de l’évolution de l’Occident: Aristote, Descartes, Korzybski, Trois visions de l’homme et du monde .

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